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Déclaration de Sortu, le 27 septembre

2022-09-27

Depuis qu’en 1975 le régime franquiste a fusillé Txiki, Otaegi et trois militants du FRAP (Front révolutionnaire antifasciste et patriote), la date du 27 septembre est restée gravée dans notre mémoire collective jusqu’à devenir un jour de référence pour le mouvement de libération nationale. Aujourd’hui, nous tenons à saluer la mémoire de Txiki et Otaegi, ainsi que celle de tous les compatriotes qui ont lutté à leurs côtés avec différents niveaux de contribution en faveur d’Euskal Herria - Pays
Basque.

À propos, nous revendiquons le droit à une mémoire pleine qui est aujourd’hui criminalisée et persécutée, indispensable pour nous tourner vers l’avenir et pour le vivre-ensemble.

Aujourd’hui, Sortu souhaite partager avec la population basque son avis sur la situation du Pays Basque et du processus de libération nationale ; où nous en sommes et quels sont, à notre avis, les progrès :

1. Nous avons traversé une période historique particulière. Le développement du capitalisme provoque une crise de civilisation. Outre les différences sociales qui se creusent plus que jamais, la viabilité de la vie et celle de la planète sont
remises en question. Le moment historique se caractérise par le choc des puissances capitalistes et l’augmentation des guerres, la crise climatique et énergétique, la crise humanitaire générée par la crise de la surveillance ou encore les migrations massives et leurs conséquences. Nous connaissons une ère de changement et ce qui est en jeu est la direction de ces changements.

2. Nous pouvons aussi juger exceptionnelle la situation des États qui oppriment le Pays Basque. L’État espagnol reste plongé dans la crise du régime de 1978 et les élites sont incapables de trouver une issue consensuelle à la crise. Au contraire, le choc entre les deux grands partis qui sont des piliers du régime s’accentue. Ainsi, le gouvernement que nous avons vu comme une fenêtre d’opportunité ou l’élection de la droite et de l’extrême-droite en quête d’une réaction autoritaire, centraliste et conservatrice, telle est la compétence qui existe en ce moment.

Dans l’État français, les Basques ont subi ces dernières années les politiques néolibérales et autoritaires du gouvernement de Macron et le mépris de l’État. Les résultats des dernières élections ont laissé le gouvernement dans une situation instable, tandis que la menace de l’extrême-droite continue de croître.

3. Pendant ce temps, l’avenir du Pays Basque vacille. Le modèle autonomique actuel et le cap politique de ceux qui le gèrent sont épuisés. Sans souveraineté et sans initiatives politico-institutionnelles solides et ambitieuses, nous ne sommes pas suffisamment prêts à relever les défis actuels. Qui plus est, l’impact de cet élan communautaire, décisif pour la survie du Pays Basque dans les décennies précédentes, s’essouffle, comme en témoignent les différents indicateurs nationaux. Ainsi, notre pays court le risque de se fondre dans la mer de la mondialisation.

4. Dans ce contexte, le projet et l’hypothèse historique de la gauche abertzale restent entièrement d’actualité. Le Pays Basque doit être un État pour garantir sa survie et construire un modèle de société juste et paritaire. C’est pourquoi le processus de libération nationale doit continuer à se frayer un chemin, en cherchant l’articulation de luttes émancipatrices jusqu’à obtenir un Pays Basque indépendant, socialiste, féministe et euskaldun. Tel est l’horizon de notre lutte.

5. Depuis dix longues années, nous créons de nouvelles conditions pour avancer dans le processus de libération nationale. Le souverainisme de gauche a gagné le plus grand soutien et la plus grande influence de son histoire, montrant de surcroît qu’il exploite cette force pour améliorer la vie de ses citoyens. À côté de cela, nous provoquons les changements nécessaires de scénario du projet national, comme on le voit notamment dans l’évolution politique et sociale de la Navarre et du Pays Basque nord.

6. Cependant, cette situation d’exception exige et peut permettre d’accomplir une avancée en termes de processus sur les conditions créées. Une avancée dans le dimensionnement du conflit politique, une avancée dans la construction nationale et une avancée dans la récupération de la souveraineté formelle et matérielle (normalisation de l’euskara, éducation, transition énergétique, surveillance du système public communautaire, démocratisation du modèle policier, garantie de conditions de travail et de vie dignes...). Le chemin vers nos objectifs sera un processus. Il faut essayer de sortir des inerties et saisir le moment historique pour, dans la limite des possibilités existantes, obtenir le plus grand nombre d’avancées, d’outils et, fondamentalement, de pouvoirs.

7. Cela requiert, d’une part, un nouvel élan communautaire. Il faut déclencher une vague qui respire le projet du Pays Basque et qui encourage les transformations sociales, économiques et culturelles dont nous avons besoin. Car ce petit peuple a l’intelligence, la force et l’énergie suffisantes pour faire les choses autrement : dans le féminisme, l’écologisme, le syndicalisme, le monde de la langue basque la nouvelle génération de jeunes indépendantistes et une multitude d’autres
luttes et projets.

8. Et cela demande, d’autre part, d’essayer de construire des partenariats aussi larges que possible entre les forces politiques, syndicales et sociales : de tâcher d’arrêter la réaction venant des États ; de prendre des mesures pour avancer le plus possible dans la récupération de la souveraineté, dans l’obtention des droits sociaux et économiques et dans la construction nationale ; et, si finalement les droites l’emportaient, d’affronter avec le maximum de garantie en tant que peuple la tempête répressive et recentralisatrice.

9. Si le Pays Basque veut ouvrir la porte à l’avenir, il doit inévitablement surmonter les conséquences du cycle de confrontation précédent. Le modèle intégral de solutions qui a été présenté il y a onze ans à Aiete est la référence pour cela et il est temps de l’aborder avec courage et volonté. Peu de personnes nient que l’un des principaux défis est de ramener à la maison les prisonniers, fugitifs et déportés politiques basques. La liberté conditionnelle d’Ion Parot et de Jakes Esnal et la fin approchante de l’éloignement ouvrent de nouvelles perspectives pour avancer vers le retour à la maison à travers la mobilisation sociale, l’accord et la collaboration.

10. Nous vivons une période compliquée, pleine de risques. Mais il y a matière à espoir. Comme le fait remarquer l’artiste Kepa Akixu dit « Zigor », auteur de l’affiche du 27 septembre 2022, de l’obscurité jaillit chaque jour une étincelle, une lueur d’espoir qui marque le début d’un jour nouveau. Cet instant fugace, c’est
la lutte et le désir de vie qui se renouvelle chaque jour au Pays Basque, qui a maintenu ce peuple vivant devant toutes les oppositions et qui alimente sans trêve la soif de liberté.

Nul ne peut enlever l’espoir à l’aube !