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Un nouveau saut en avant dans le processus d’Iparralde

2021-08-24

À la veille de son congrès national, la militance de Sortu vient de mener en Iparralde un débat interne. Comme nous l’avons fait pour le bilan, nous proposons ici quelques réflexions concernant les perspectives des prochaines années.

Saroia Galarraga et Xabi Larralde
L’enjeu de cette nouvelle phase politique est donc de progresser dans l’étape d’auto-organisation, en évitant le statu-quo au niveau de l’Intercommunalité.

Document:

Un bond en avant dans le process du Pays Basque Nord. Contribution de la gauche Abertzale

Il toujours utile de rappeler préalablement quels sont les horizons du projet politique dont on entend analyser les perspectives pour les prochaines années. En premier lieu, quels sont donc nos objectifs ? Depuis toujours, les objectifs stratégiques de la Gauche Abertzale sont l’indépendance et le socialisme. On peut concéder que les changements sociétaux considérables de ce début de XXIème siècle impliquent une réactualisation de ces objectifs. Mais l’analyse de la situation nous amène à confirmer un premier élément fondamental de notre ADN politique : l’émancipation nationale et la transformation sociale constituent les deux faces d’un processus de libération nationale. Du point de vue de son identité nationale, la question de la survie d’Euskal Herria reste aujourd’hui d’actualité. Et face à la crise du néo-libéralisme, nous sommes convaincus qu’une réelle émancipation d’Euskal Herria est étroitement liée à la construction d’une société plus juste et solidaire.

Deuxième question : quelle est la voie qui nous permette d’accéder à nos objectifs ? Là encore, il est utile de se référer à notre ADN politique dont l’un des aspects fondamentaux a trait aux caractéristiques mêmes d’un processus de libération nationale. Sur ce point, Argala nous a légué une conception très claire qu’il exprima en ces termes : « Ni ETA, ni Herri Batasuna, ni KAS, ni quelconque organisation aussi puissante soit-elle ne pourra apporter les solutions aux problèmes du Peuple travailleur basque. Seul le Peuple travailleur basque peut solutionner ses problèmes ». Les avancées importantes d’un processus de libération nationale se gagnent grâce à l’adhésion du Peuple et à la mobilisation populaire.

Nos objectifs et la voie pour y accéder étant globalement tracés, quels sont maintenant les « camps de base » que nous pouvons définir au sein du processus de libération nationale ? À l’occasion du précédent congrès de Sortu, sans remettre en cause la perspective nationale, nous avions formalisé un schéma de travail confédéral déclinant des objectifs adaptés à chacune des grandes zones d’EH (Euskadi, Navarre, Iparralde). Un processus d’autodétermination se développe en trois étapes : auto-affirmation, auto-organisation et autodétermination. En Iparralde, la création de l’Intercommunalité a fixé une première reconnaissance de notre territoire. Un pas modeste, mais un pas qualitatif important qui nous a permis de franchir l’étape de l’auto-affirmation.

L’enjeu de cette nouvelle phase politique est donc de progresser dans l’étape d’auto-organisation, en évitant le statu-quo au niveau de l’Intercommunalité. Au-delà de l’ambition de la gestion du pouvoir au sein de l’Intercommunalité, notre objectif doit être celui d’un dépassement de ce cadre. Dans cette perspective, le pas qualitatif suivant pour Iparralde serait l’obtention d’un statut particulier, sachant que ce concept inclut une grande diversité de cadres institutionnels. Par exemple, la Kanaky dont le droit à l’autodétermination est reconnu, dispose d’une autonomie qui relève d’un « statut particulier ». Ceci étant, à partir du moment où Iparralde exprimera quelconques velléités de formaliser de nouveaux pas, nous devrons faire face à l’opposition ferme de l’État français. N’en doutons pas, cette nouvelle phase d’évolution pour Iparralde sera aussi celle d’une confrontation avec Paris.

Pour déployer cette nouvelle phase, le meilleur atout dont nous disposons est la capacité d’activation de la société d’Iparralde. Nous en avons eu une illustration dans différents domaines ces dernières années : en faveur de la reconnaissance institutionnelle, des prisonniers politiques, de l’euskara, des droits sociaux etc. Et le dynamisme des luttes actuelles (en faveur de l’enseignement immersif, contre la spéculation immobilière et foncière, en matière écologique, féministe, syndicale, en soutien aux migrants,...) confirme que l’activation de la société représente le levier principal d’une nouvelle phase. Cependant, la perspective d’une confrontation face à l’État nécessite de doter cette capacité d’activation d’un rapport de force. De ce point de vue, il serait selon nous opportun que l’abertzalisme de gauche formalise une double proposition ayant pour vocation de continuer à articuler en Iparralde des majorités larges.

Le premier volet de cette proposition serait un nouvel « Agenda de mobilisation » ayant pour visée un changement statutaire qui impliquera de faire bouger Paris. À cet égard, il faut rappeler que la société d’Iparralde n’a pas demandé une Intercommunalité, mais une Collectivité Territoriale à statut particulier. L’obtention d’un changement statutaire ne peut qu’être la résultante des différentes dynamiques de lutte. Elle signifie aussi un niveau de mobilisation de la société au travers d’une accumulation de forces larges et plurielles dépassant le spectre abertzale. Dans cette optique, l’élaboration d’un nouvel « Agenda de mobilisation » nécessiterait de structurer un espace de complémentarité des luttes reposant sur la revendication commune d’un changement statutaire.

Le second volet consisterait en une feuille de route en faveur de la construction d’outils alternatifs. Pendant des décennies, nous avons dû pallier l’absence de reconnaissance institutionnelle en Iparralde en construisant des outils propres dans différents domaines : culture, économie, enseignement, agriculture… Avec une forte capacité de mobilisation, cette propension à l’auto-organisation a constitué un axe majeur d’activation de la société. Elle représente une ressource d’une valeur inestimable que nous ne devrions en aucun cas laisser dépérir dans le contexte d’une institutionnalisation d’Iparralde. Bien au contraire, nous devons la considérer comme le second levier fondamental d’une phase de transformation de la donne politique actuelle. Un constat qui s’impose d’autant plus que ces initiatives diverses, visant à se doter d’outils propres, sont aujourd’hui identifiées comme les composantes d’une alternative de plus en plus compréhensible et attractive pour de larges secteurs de la société cherchant à dépasser les logiques du néo-libéralisme.

Un constat clair ressort de notre réflexion : nous avons en Iparralde de réelles opportunités de réaliser un saut en avant. Avec l’ensemble des sensibilités abertzale de gauche, il nous appartient de saisir ces opportunités en poursuivant notre tâche commune de renforcement et de régénération du mouvement abertzale.